Les avantages et inconvénients du jeu sous Linux

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J’entends moins souvent la critique ces deux dernières années, mais elle existe encore : Linux c’est pas fait pour jouer et y’a pas de jeux dessus. C’est d’autant moins vrai maintenant, mais notre plateforme préférée n’est pas encore le paradis sur terre, voyons donc quels sont les points forts et les points faibles qui caractérisent la banquise pour les jeux vidéos sur PC.

Un monde bien plus accueillant qu’avant…

Historiquement le jeu vidéo sur PC reste un frein majeur à une libération de nos machines d’un Windows dont la version 10 et ses différentes itérations depuis sa sortie sont vraiment à éviter autant que possible. Mais depuis plusieurs années maintenant, et notamment grâce à un soutien majeur de la part de Valve, Linux peut vraiment être considéré comme une alternative crédible pour piloter votre matériel.

En effet, pour ceux qui débarquent, Valve est une société de développement de jeux vidéos qui aura permis au monde de découvrir Half-Life, Counter Strike, Portal, DOTA2, Left 4 Dead et surtout, Steam. Sorti en 2004 avec Half-Life 2, Steam est une plateforme communautaire, et une boutique en ligne, leader sur le marché PC. En 2013, après des mois de rumeurs Valve présente SteamOS et les Steam Machines, des PCs livrés sous un OS à base de Debian Linux pensés comme des alternatives aux consoles de salon. Steam lui-même est disponible depuis fin 2012 pour les différentes distributions (officiellement Debian et Ubuntu sont les seuls supportés), et tous les jeux Valve sont adaptés pour tourner sous Linux, permettant de montrer que non seulement c’est faisable, mais surtout que les performances sont là (ils ont même eu des surprises avec certains jeux plus performants sous Linux que sous Windows). Valve contribue et publie plusieurs outils facilitant le portage et le développement, remonte quantité de bugs aux pilotes open-source notamment graphiques, bref, qu’on soit pour ou contre le jeu « propriétaire », la contribution de Valve dans le domaine pour notre plateforme préférée est indéniable.

La moitié presque de ma bibliothèque, et je n’ai pas testé avec Proton

Au point que les principaux fournisseurs de moteurs de jeu, Unreal Engine 4 pour Epic, Unity, CryEngine, proposent tous un support natif de Linux comme plateforme cible. Pour ceux qui ne veulent pas prendre directement en charge la plateforme, des experts dans le domaine du portage émergent ou reviennent sur le devant de la scène, dont un majeur est Feral Interactive, à qui on doit la disponibilité de gros titres comme Alien Isolation, Mad Max, Deus Ex Mankind Divided, Tomb Raider (depuis le reboot de 2013), plusieurs titres Warhammer et XCOM. D’autres titres un peu plus anciens ont vu leur portage natif aussi, comme les titres 2033, Borderlands, Rocket League, Worms, The Witcher, et comme je l’ai dit quantité de titres indépendants, aidés par leur moteur qui propose un support natif.

Dernièrement, Valve a initié le projet Proton. Basé sur WINE, qui est une couche de traduction permettant d’exécuter directement des programmes conçus pour Windows sous Linux, Proton se concentre sur les jeux vidéos et permet de lancer une quantité toujours plus importante de jeux prévus uniquement pour Windows directement sous Linux. Le logiciel est jeune, le support est variable en fonction des jeux, mais le travail est déjà impressionnant. Dommage par contre qu’on ne voie pas les corrections et améliorations remonter sur le projet d’origine (probablement parce que certaines optimisations peuvent être protégées par des brevets). Le projet est encore en beta et les remontées sont plus que bienvenues pour les titres qui ne sont pas encore supportés correctement.

Steam n’est pas le seul acteur à proposer de distribuer des jeux sous Linux, GOG est un autre acteur qui joue la carte du « sans DRM » pour la plupart des jeux, en tout cas pas de DRM maison par défaut, qui est l’un des points noir de Steam qui a malheureusement contribué à son succès (les éditeurs voulant à tout prix s’assurer qu’on ne peut pas copier leur jeux). Le catalogue est cependant moins fourni, mais les titres disponibles sous Linux sont facilement accessibles, et installables sans client dédié. Autant dire que faut être un gros consommateur pour être en manque sous Linux désormais.

Un autre aspect qu’on oublie facilement lorsqu’on parle de jeu vidéo, c’est la communication entre joueurs, et là aussi, aucun problème sur la banquise. Teamspeak, Mumble, Discord, les trois gros représentant de la discussion audio sont présents. Pour la technique Mumble et Teamspeak utilisent Qt comme bibliothèque d’interface, les rendant légers, Discord a malheureusement fait le choix d’Electron, vous consommez donc plus de 200Mo de mémoire pour profiter du service (Electron en gros package une appli web avec un navigateur web Chromium, et un nodejs en dessous, que des outils lourdingues).

Dans le même esprit, si vous comptez diffuser vos parties en direct (parce que vous êtes suffisamment équipés aussi bien en matériel qu’en connexion fibre), Open BroadCaster Software est également présent et de ce que j’ai pu en juger par mes premières manipulations, tout aussi capable que sous Windows.

Mais il manque encore pas mal de choses

En parlant de communication, un des points noirs du « gaming » sous Linux concerne les périphériques. Non pas qu’ils ne sont pas reconnus, généralement les claviers, souris et casques USB sont reconnus quand ils sont branchés, par contre, les outils pour le paramétrage des fonctions avancées, c’est pas la même sauce. Ils sont tout simplement inexistants, pour certains dont les paramètres sont stockés dans une mémoire interne ça peut éventuellement se contourner (on configure sous Windows et on utilise sous Linux), mais généralement c’est pas Byzance. Si vous n’utilisez pas les fonctions avancées de vos périphériques (contrôle des LED, programmation des touches supplémentaires), vous pourrez tout de même profiter de votre matériel dans les mêmes conditions. Par exemple, je n’avais pas vu d’interface pour ma manette d’Xbox 360, pourtant j’en profite régulièrement.

Si pendant des années les initiatives indépendantes d’interfaces de gestion ont difficilement existé et se concentraient parfois sur un seul modèle très populaire (souris ou clavier), avec justement l’élargissement de l’offre, plus de développeurs ont attaqué leurs périphériques, certains fabricants soutiennent presque officiellement certaines initiatives. Là je vais pas trop m’étendre sur le sujet, un confrère a fait plusieurs articles très bien fait sur le sujet que je vous invite à lire. Avantage, entre autres pour Razer, c’est que vous pouvez du coup utiliser une interface qui ne vous demande pas d’abandonner quelques informations personnelles pour utiliser du matériel (oui, Razer Synapse vous demande de vous inscrire avec une adresse e-mail pour gérer votre souris sur votre ordi). Roccat semble être un fabricant à contre-courant puisqu’il a développé et publié pilotes et utilitaires, plutôt cool non ?

Si Proton est une initiative intéressante qui avance très vite, tous les jeux ne pourront pas être supportés à cause de certaines technologies sales qui sont très dépendantes de l’architecture du noyau Windows. En particulier, pour prendre l’exemple de PUBG, techniquement il utilise l’Unreal Engine 4, donc il pourrait supporter Linux nativement, mais l’outil anti-triche qu’il embarque fonctionne de la même façon qu’un antivirus qui est fortement dépendant des technologies bas-niveau du système d’exploitation, qui ne peuvent pas être traduites. Il n’est pas seul sur le sujet, pendant plusieurs années si je pouvais faire tourner Call of Duty 2 et 4 sous Linux via Wine sans difficultés particulières, un des éléments disqualifiant pour jouer en ligne était Punkbuster.

Je pense que c’est explicite…

Aussi, plusieurs gros éditeurs qui lient leurs jeux à un lanceur spécifique (faisant aussi office de boutique en ligne maison, comme Steam) sont mécaniquement absents sous Linux : UPlay (Ubisoft), Origin (EA), Battle.net (Blizzard), sont toujours limités à Windows, parfois dispos sous Mac (pour Blizzard). Exit donc les Assassin’s Creed, Far Cry, Battlefield, Overwatch… Je ne sais pas comment ça a évolué, mais j’avais pu en 2008 jouer à WoW sur mon HP sous ArchLinux via WINE, mais certains se sont vu bannir parce qu’on considérait qu’ils cherchaient à tricher, ce qui est toujours gênant (perso je m’en foutais je jouais sur un serveur privé). L’offre restera donc toujours moins complète que sous Windows, mais si ces gros titres ne vous intéressent pas, que vous êtes un drogué des jeux indés, alors ça pourra tenir le choc. Les raisons sont souvent économiques avant d’être techniques (encore que ma réflexion sur les moteurs de jeu me semble toujours d’actualité), les gros éditeurs ont de gros sous à faire pour satisfaire des actionnaires avant de faire plaisir aux joueurs et aux développeurs.

Malgré les améliorations qui sont plus que significatives, le support des pilotes graphiques reste encore très problématique sous Linux. Souvent, les éditeurs indiquent seulement un support officiel uniquement pour le pilote Nvidia propriétaire, car c’est finalement le plus facilement prévisible. En effet, le caméléon distribue son pilote sous une forme packagée indépendante de la distribution, comme sous Windows, quand du côté des pilotes open-source c’est beaucoup plus bordélique. En effet, entre le DRM (la partie noyau), la partie user-space (Xorg/wayland), la partie MESA, chaque distribution propose donc son propre cocktail de versions des différents composants qui sont moins facilement mis à jour (à part sous Arch Linux/Manjaro). C’est notamment le cas pour Intel, même si celui-ci propose d’installer les derniers composants via une batterie d’outils d’installation sur son site, et chez AMD c’est tellement la foire que j’ai perdu le fil, à un moment donné il y avait trois pilotes différents, dont le support était très différent en fonction des générations de matériel. Jouer donc avec ces pilotes est très aléatoire, et vous êtes tous seuls quand vous rencontrez un problème. Pire, ne comptez pas sur une interface graphique pour manipuler finement les paramètres pourtant nombreux de ces pilotes graphiques, seuls les chemins dans /proc et /sys peuvent vous aider. Pour ma part j’ai pu tester les jeux Valve, Rocket League, Serious Sam 3, sur le laptop avec la carte intégrée Intel, qui n’est absolument pas faite pour ça mais ça fonctionne (faut salement baisser les réglages pour que ça soit fluide). Mais c’est pas une évidence. Ça limite donc le choix sur le matériel, Nvidia reste une préférence même sous Windows.

Et les jeux « libres » ?

De par l’investissement demandé, aussi bien technique mais surtout artistique, les jeux libres/open-source ne sont pas légion, même si certains titres vivent très bien. Unvanquished, 0ad, SuperTux Kart (qui va bientôt finaliser son mode multijoueurs en ligne), j’en ai chié sur SuperTux, un « clone » de Super Mario Bros avec notre manchot préféré en guise de protagoniste, pas parce qu’il est mal fait mais il devient vite exigeant et je ne suis plus vraiment une brutasse dans les platformers (pourtant j’ai kiffé Splasher), Armagetron réveillera la nostalgie des adorateurs de Tron, certains s’attaquent à recoder le moteur de jeux comme Command and Conquer (Red Alert), Total Annihilation, bien que les données restent propriétaires… D’autres projets dont je n’ai pas forcément connaissance pourront vous donner à la fois du fil à retordre mais aussi de longues heures de plaisir, vous aurez par contre à composer avec une qualité graphique et/ou sonore un peu en dessous des standards du monde commercial.

Un dernier élément qui peut être intéressant, le monde du retrogaming n’a pas oublié la plateforme polaire, et donc les émulateurs sont légion. En effet, vous avez probablement entendu parler des projets comme Recalbox qui ciblent le Raspberry Pi, qui ne font que prépackager les émulateurs et les optimisations pour la plateforme. Ces émulateurs sont évidemment disponibles sur une distribution plus classique, là aussi vous pourrez monopoliser une quantité de temps non négligeable à (re)découvrir des titres du passé, avec l’avantage par rapport au Rapsberry de pouvoir jouer à plus récent (je pense aux plateformes comme la Wii, potentiellement la Xbox 360 (j’ai pas pris le temps de chercher mais en 2015 déjà ça avançait), sûrement la PS3 même si ça peut demander une machine solide pour en profiter. L’aspect légal est toujours compliqué alors je vous laisse décider, mais c’est là.

Windows n’est plus la seule option

C’est ce qu’il faut retenir de cet article finalement. Quand on fait l’inventaire de ses usages, de ses matériels, que rien ne semble être bloquant y compris dans ce bastion qu’est le jeu vidéo, alors il n’y a aucune raison de conserver Windows sur son PC. J’ai déjà pu le dire et le redire, mais si vous êtes prêt à faire l’effort de vous libérer d’une plateforme qui vous plaît de moins en moins, franchement, entre collecte indue de données, absence de contrôle sur les mises à jour, installations de logiciels pénible (sans parler du Windows Store), vous trouverez certainement dans l’univers Linux la distribution qui vous siéra, qui siéra à votre matériel, bref, votre bonheur, parce qu’avec un monde qui devient de plus en plus tourné vers le numérique, il est plus que nécessaire de disposer des bons outils, des outils qui vous servent avant de servir leur fabricant/développeur.

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Tonton Ayo
30/01/2019 20:22

Bonjour, Article très intéressant mais un fait relativement récent (1 an et des poussières) à permis un grand pas dans le jeu sur linux est la mise au point de DXVK, une couche de « traduction » de DirectX11 (et 10) vers Vulkan et qui fonctionne avec Wine. Proton est justement le résultat du travail entre la personne qui a mis au point DXVK (et que Valve a engagé dans la foulé) et Valve qui veut faire en sorte que les jeu natifs fonctionne sur Linux (SteamOS). J’ai moi même essayer même si c’est pas parfait les résultats sont bluffant… Le souci… Lire la suite »

XataZ
XataZ
31/01/2019 09:44

Bonjour,

Qu’est ce que j’aimerai pouvoir me passer de windows totalement, mais malheureusement je l’utilise, et ceux seulement pour un jeu (rainbow six siege), impossible de le faire tourner sous Linux, à cause de battleyes.

GotExx
31/01/2019 09:49

Personnellement j’ai totalement abandonné Windows depuis plusieurs année. Dès le moment où CSGO était disponible j’ai pas hésité ?

Matth
Matth
31/01/2019 10:14

Pour ma part je suis passé sous mint pour mon desktop voici bientôt deux mois, je ne suis pas un gros consommateur de jeux, je suis à 100% sur rocket league (pour le moment), mais mint remplace agréablement bien win10 !

Breizh
31/01/2019 10:53

Concernant les pilotes et le matos, il faut savoir qu’AMD a changé de position quand ils sont passés de Catalyst à Radeon Software. Ainsi, sous Linux, le pilote proprio n’est qu’une surcouche du libre auquel AMD participe directement. La surcouche est meilleure par moment et moins bonnes à d’autre ( https://wiki.archlinux.org/index.php/AMDGPU#AMDGPU_PRO ), et le pilote libre juste marche dans mon cas. Sur mon laptop il gère même PRIME (graphiques Intel intégrés / AMD dédiés, j’utilise les Intel en général et les AMD pour jouer). Quant au choix du pilote, notamment sous Arch, il y a ici un tableau assez clair :… Lire la suite »

Keyhaku
Keyhaku
01/02/2019 10:21
Répondre à  Breizh

Je rejoins ta position, sous Linux AMD est clairement le choix le plus simple pour jouer, car les drivers sont maintenant libres et livrés directement avec le noyau donc il n’y a aucune configuration à réaliser. Il suffit juste d’installer la lib Mesa qui implémente les API OpenGL et Vulkan.

En gros il y a 2 drivers AMD qui sont embarqués dans le noyau
– amdgpu : pour les Carte graphique récentes
– radeonsi : pour les Carte graphique anciennes

AMDGPU-PRO étant progressivement abandonné …

Damien
31/01/2019 13:05

Il faut également soulever la gestion compliquée des pilotes NVIDA Optimus des PC portables « gamers », ce qui est un frein pour les utilisateurs GNU / Linux.

Tonton Ayo
31/01/2019 20:13
Répondre à  Damien

le switch ne se fait pas automatiquement mais il suffit simplement d’aller sur le panneau nvidia et d’activer ou non la carte nvidia (il existe même un applet) le seul inconfort est qu’il faut se deco/reco (relancer Xorg)

Breizh
03/02/2019 11:38

Tiens, d’ailleurs, je viens de penser que j’ai un collègue qui a acheté un vieille carte graphique qu’il mis sur un port PCIe x1 ou x4 (qui n’interfère pas avec le x16, c’est ça qui est important), et qu’il fait du GPU Passthrought avec (Linux se contente de la petite carte graphique, comme ça il dédie le gros GPU au Windows virtualisé). Ça peut être une solution intéressante quand quasiment tous nos jeux tournent sous Windows. Personnellement comme je préfère jouer nativement sous Linux, j’suis pas sûr que ça me convienne (il me semble qu’ont peut pas refiler l’accès au… Lire la suite »

totoro
totoro
10/02/2019 14:28

Bonjour, merci pour cette très bonne synthèse du jeux sous Linux.
J’utilise le client steam sous lInux depuis quelques années et je dois dire que cela a beaucoup progressé avec l’arrivée de Proton et Vulkan.
On peut parler également des launchers comme Lutris, PlayIt, ou autres qui simplifient beaucoup l’installation et le paramétrage de Wine, DXVK et des jeux natif windows pour qu’ils soient facilement jouable sous Linux.

Clément
29/05/2019 18:21

J’ai bcp appris , merci