Pourquoi j’utilise un bloqueur de publicités

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Je suis récemment tombé sur cet article de developpez.com  qui pose des questions intéressantes. Étant un utilisateur de longue date de ce type de solutions (qui date des débuts du premier adblock sur Firefox), j’aimerai mettre en contexte mon expérience de l’utilisation d’un bloqueur.

J’ai commencé à « surfer » en 1998, grâce à la magnifique connexion RNIS 64k de mon lycée de l’époque. La question des outils ne se posait pas, c’était Windows+Internet Explorer, encore qu’en option informatique, on avait droit à Netscape Communicator Gold, un luxe pour l’époque. Le Web était bien différent à l’époque. La publicité naissante n’était pas un problème, elle paraissait cool d’ailleurs car on pouvait avoir des services gratuitement moyennant un petit bandeau.

Fast-forward, 2002, premier ordinateur personnel, et surtout, après la mort de Netscape, l’apparition d’un projet nouveau, Phoenix, qui allait devenir plus tard Firefox. Une de ses plus grandes qualités, son système d’extensions. À l’époque la publicité est déjà un problème envahissant, principalement visuel, mais surtout, consommateur de bande passante et de ressources. Les connexions ADSL sont très rares et très cher (souvenez-vous), le 56k règne encore en maître. A 4ko par seconde, une page Web de plus d’1Mo (taille complète) met beaucoup de temps à charger. À l’époque, les pubs utilisant le format Flash sont légion, et il n’y a pas que les connexions qui saturent, nos pauvres CPUs aussi. Je surfais avec un Celeron 400MHz, on ne parlait pas d’accélération graphique pour ce genre de contenus (les GPUs ne s’occupaient que de jeu). Un enfer pour tout le monde.

L’arrivée du premier Adblock, au sens qu’on se le représente aujourd’hui (il y aurait quelques anecdotes à raconter sur les méthodes artisanales de l’époque), est une bénédiction. De plus d’une minute, on passe à une dizaine de secondes de temps de chargement, ce qui parait aberrant aujourd’hui pour la plupart des gens, mais une révolution à ce moment-là. Très égoïstement j’ai donc commencé à privilégier mon confort sur le financement des différents sites que je pouvais consulter ou services que je pouvais utiliser, histoire de regarder plus d’une page par heure.

L’ADSL 1Mbps n’arrive qu’en 2006 dans la maisonnée, et même si le Celeron est à la retraite depuis longtemps au profit d’un valeureux Athlon XP2400+, les formats et le nombre de pubs ont eux aussi évolué. Les rares moments où je me retrouve en ligne « sans filtre », le plus souvent chez d’autres personnes, c’est un enfer, entre popups qui sont encore d’actualité, les pubs sont de plus en plus envahissantes, et l’arrivée de contenus directement insérés au milieu du contenu original (et j’ai encore pu voir l’héritage d’intelliTXT récemment, comme quoi les mauvaises habitudes ne meurent jamais). Malgré un format Flash un peu moins présent, le nombre grandissant alourdit toujours plus les pages. En parallèle, le ciblage publicitaire monte en puissance. Des personnes commencent déjà à s’inquiéter de ce ciblage, mais déjà à l’époque le petit nombre n’aide pas à alerter notamment des pouvoirs publics qui sont complètement à la ramasse. C’est l’année où Google rachète le tout jeune YouTube, et on sait comment celui-ci a fait pour rémunérer les créateurs sur la plateforme depuis tout ce temps.

Plus ou moins à la même époque, la diversités des menaces informatiques augmente, les attaques contre les navigateurs aussi. Les premières infections suite à des pages malveillantes apparaissent, et on découvre que ça peut venir de publicités présentes sur des sites qui sont, il faut le reconnaître, peu recommandables. Le prix de la gratuité de contenus normalement payants pourrait-on dire. Bloquer les publicités n’est alors plus seulement une affaire de confort, mais devient une affaire de sécurité. Et désolé pour ceux que ça va froisser, mais c’est à cette époque que je commence à installer Firefox et Adblock Plus (qui a remplacé AdBlock en 2005 suite à l’arrêt de son développement) chez les gens dont je ne saurai pas changer l’hygiène de navigation. Bien entendu, vu la situation, pas question de désactiver le mien. L’arrivée récente des ransomware JavaScript démontre l’ampleur des problèmes.

Avec les années, on apprend que rien ne s’arrange côté publicitaires qui tentent de profiler toujours plus les visiteurs (sans même parler des formats avec l’arrivée de la vidéo, qui en plus se lance automatiquement), ni côté sites qui tentent de forcer un affichage toujours plus intrusif des publicités. Le problème, c’est que les adblockers divers et variés deviennent toujours plus populaires, jusqu’aux suites de sécurité qui finissent par en intégrer un. Et ce n’est pas le comportement de la société Eyeo, qui chapeaute le développement de l’extension la plus populaire, qui change la donne. Les utilisateurs sont drogués à la gratuité pour des services toujours plus complexes mais pratiques, sauf qu’ils sont coûteux. Et les plateformes, elles, n’ont que la publicité pour tenter de gagner de l’argent sur le dos des utilisateurs qui vont être particulièrement difficile à convaincre de passer à la caisse s’ils coupent le robinet de leurs données.

On a donc une situation insoluble : impensable pour la majorité des utilisateurs de débourser un centime, une grande partie étant de toute façon mineure et donc dans l’incapacité de lâcher du brouzouf; impensable, alors que l’on commence déjà à surnommer les données personnelles le pétrole du 21° siècle, que les publicitaires reviennent à des pratiques propres en matière de publicité, et ne plus profiler les utilisateurs. Après tout, Facebook gère une infrastructure de plusieurs dizaines (centaines ?) de milliers de serveurs pour agréger les données d’un milliards et demi d’utilisateurs qui ne déboursent pas un seul centime, alors pourquoi se priverait-on ?

Au final, les créateurs qui désirent vivre de leurs contenus en sont réduits à demander un financement direct à leur communauté, et on se retrouve presque invariablement dans la même situation que la myriade de jeux dits « Free-to-play », avec seulement 1% des contributeurs qui déboursent pour les 99% restants. Plus ou moins… Un chiffre qu’on retrouve aussi chez les commerçants en ligne d’ailleurs. Bref, la situation n’est pas particulièrement reluisante.

Et donc, qu’en est-il de moi aujourd’hui , puisque c’est un peu le sujet du billet ? Et bien je suis dans une situation qu’on qualifierai de cul entre deux chaises. Il est évident que je ne peux pas payer pour tous les services que je peux utiliser, personne ne le peut. D’un autre côté, j’essaie, petit à petit, de sélectionner ceux qui, je pense, en ont le plus besoin. J’aurai probablement l’occasion de revenir dessus au détour d’un édito. Et pour ceux pour qui c’est impossible, il m’arrive de débrayer mon bloqueur de publicités, aussi dégoûtant que ça me paraisse. Mais dans l’absolu, le bloqueur de publicités reste un outil indispensable, à l’image d’un bon antivirus sous Windows. Pour toutes les raisons évoquées au dessus. En effet, en 2016 je ne bénéficie toujours pas de connexion digne de ce nom, aussi bien chez ma mère que chez ma marraine (3Mbps avec le vent dans le dos). L’économie de bande passante reste un atout indéniable, surtout sur les sites qui incluent des vidéos. Pour la sécurité, il faut avouer que sous Linux c’est moins immédiat comme menace, mais avec l’arrivée des Ransomware Javascript, non, vraiment, ça va rester utile. Sans parler du profilage avec lequel je me débat, pas encore assez bien, il faut le reconnaître.

Et avec le comportement toujours aussi irresponsable de la part de beaucoup d’utilisateurs que j’ai encore l’occasion de dépanner, je ne suis pas près d’arrêter les installations de bloqueurs de pub. Bon ça ne tient que le temps que Chrome s’installe de manière irrespectueuse, et donc sans bloqueur (pas étonnant, c’est toujours leur beurre à Google), mais après tout, tant que les gens ne comprendront pas qu’à l’instar de la voiture, élément indispensable de nos sociétés pour lequel on passe le permis et donc on apprend à gérer l’environnement au volant, il faut faire un réel effort d’apprentissage pour avoir un bon comportement en ligne, j’estime quand même contribuer à limiter les dégâts. Et cette phrase est beaucoup trop longue.


Post-Scriptum : Exercice pratique du bloqueur de pub. La page d’accueil de Clubic

Conditions du test : connexion de ma maman, Free synchro à 2Mbps, Chromebook avec Debian Jessie XFCE via Crouton (chroot), Firefox ESR avec juste uBlock Origin comme extension. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

  • Sans pubs : 1,4 Mo, 6 secondes  de chargement, 44 requêtes
  • Avec pubs : 6 Mo, 119 secondes de chargement (deux minutes quoi), 392 requêtes

Voilà. Je vous laisse également avec les captures d’écran. A savoir qu’en répétant les tests, les chiffres sont peu ou prou les mêmes, la principale différence c’est le fond qui change d’un chargement à l’autre (quitte à agresser les gens, autant varier les plaisirs). Et là on ne parle que de technique, si on devait aborder l’éthique ça serait une catastrophe. Mais la sensibilisation sur ces problématiques reste compliqué, alors j’avance les chiffres, généralement ça suffit. Et le résultat est le même.

Avec les pubs, agression

Avec les pubs, agression

Sans les pubs, mieux

Sans les pubs, mieux

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antistress
02/10/2016 12:12

Et tu peux ajouter decentraleyes en complément avec les deux mêmes objectifs : bande passante, vie privée

Chris
02/10/2016 15:38

J’ai un peu le même sentiment du cul entre deux chaises :-/

Que penses tu de Pi Hole comme bloqueur en complément d’un plugin ? C’est un peu l’auto-hébergement appliqué au bloqueur 🙂

Damien
04/10/2016 15:17

je ne connaissais pas Decentraleyes, excellent add-on !

Nicoz
Nicoz
08/10/2016 20:50

de mon coté j’ai opté mon un DNS filteur perso ( NXFILTER ) comme opendns mais dont je garde le contrôle…. et plus de 40% des requetes sont du tracking / pub donc ça me va 🙂