Firefox aura bien du mal à revenir dans la course

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Oui, je suis un grand fan de Firefox,  pour différentes raisons. Mais il a ses tares et ses tords, je sais le reconnaître. Seulement, malgré tous les efforts que peut faire Mozilla et sa communauté pour redresser la barre d’une part de marché en berne, ça sent quand même un peu le sapin. Explications.

Ceux qui me lisent depuis un moment le savent déjà, les autres peuvent chercher rapidement sur le site : j’aime Firefox. Beaucoup. Je l’utilise depuis la version 0.2, et il ne s’appelait même pas encore Firefox à cette époque, mais Phoenix. Premièrement, parce que c’est lui qui a amorcé un mouvement qui a permis d’apporter le Web d’aujourd’hui tel qu’il est (modulo les DRM HTML5, mais c’est pas le sujet), au point que tous les navigateurs concurrents se sont alignés pour proposer un support au même niveau des standards du W3C. Imaginez : même Microsoft fait maintenant un navigateur aux capacités et aux performances particulièrement décentes actuellement, malgré les défauts inhérent au fait que c’est Microsoft qui développe, alors qu’ils avaient laissé mourir Internet Explorer 6 tranquillement, persuadés que tout le monde resterait dessus.

Mais aussi, pour ce qu’il m’a proposé depuis le début : un navigateur avec pas mal de fonctions intégrées, une navigation au clavier pratique (grâce à de nombreux raccourcis), un système d’extensions sur lequel les développeurs tiers se lâchent suffisamment pour que j’y trouve mon compte, c’est aussi un logiciel open-source dont le développement est ouvert (la marque, c’est autre chose, et ça a toujours été sujet à polémique), et presque toujours des performances au top (oui j’ai bien dit presque, certains diront que c’est un euphémisme).

Ça, c’est ma vision du bien de Firefox. Il n’est pas parfait. Son mode de développement a longtemps été chaotique, avec des rythmes de sortie parfois très, très long, au point de retarder une sortie de la version 4, changement majeur à l’époque, de tellement de mois qu’un certain Chrome, poussé par un Google déjà surpuissant à l’époque, commence à devenir un réel choix alternatif malgré ses limitations de l’époque.

C’est d’ailleurs principalement lui qui domine maintenant, une situation très dangereuse puisqu’au final, l’histoire se répète, si le web du début des années 2000 était dominé par Internet Explorer, logiciel fermé développé par Microsoft, maintenant, c’est Chrome, logiciel fermé développé par Google. Vraiment pas de quoi trouver ça sexy.

Chrome a vraiment eu des qualités à une époque : une rapidité perçue supérieure à Firefox (et souvent vérifiée dans les chiffres), une propension, propriétaire oblige, à proposer certaines technologies en avance, notamment le support des DRMs pour un Netflix au succès grandissant, des outils de développements assez poussés… La sécurité est aussi souvent avancée comme étant plus complète, avec notamment une séparation poussée des onglets dans différents processus, ceux-ci étant « coincés » dans un bac à sable logiciel étant censé garantir qu’un attaquant ne pourra pas voler d’informations ou lancer du code ailleurs que là où il entre.

Pour un public de technophiles, il restera probablement difficile de faire lâcher Chrome pour revenir à Firefox, même si certains sont déjà revenus du côté clair de la Force, et même si la fondation a pas mal de projets dans les cartons qui approchent enfin la concrétisation : Rust, Electrolysis, pour ne citer qu’eux, sont prévus pour mettre la pâtée et donner un sacré coup de jeune au navigateur de la fondation Mozilla. Pour les non-technophiles, ça sera encore plus compliqué, et c’est finalement le gros problème où je voulais en venir.

Pour les non-technophiles, la notion même de navigateur Web est particulièrement floue. Déjà que beaucoup confondent Web et Internet, mais le fait de dire que Firefox, Internet Explorer, Edge, Chrome, Safari, sont des navigateurs, vous êtes souvent face à une expression d’incrédulité assez inquiétante, mais finalement logique au vu de la société actuelle. Donc, la plupart du temps, ils ne savent même pas ce qu’ils utilisent, à peine reconnaissent-ils le logo, mais dans la pratique, c’est souvent au petit bonheur la chance.

C’est déjà un gros problème, mais d’autres en ont très bien parlé, Cyrille Borne en premier qui est confronté tous les jours à ces « millenials » particulièrement crétins face à une informatique pourtant omniprésente dans leur quotidien (désolé si le mot est fort). Avec les différents niveaux de connaissance des personnes que je rencontre au Premier Samedi du Libre, je peux également témoigner du niveau général très faible en matière d’informatique personnelle, quand bien même ces personnes font la démarche pour se présenter à l’évènement. Mais le pire finalement, avec cette situation, c’est Google, et sa politique de diffusion de Chrome.

Je passe sur le fait que pendant très longtemps ils ont fortement poussé à son installation directement depuis la page d’accueil du moteur de recherche utilisé en France à hauteur de plus de 90%, un autre problème de monopole dont j’éviterai de parler aujourd’hui. Donc 90% des personnes qui effectuent une recherche sur le moteur se sont vues dire que Chrome permettait de mieux exploiter les services Google (dont la recherche), et ce pendant des années. Je ne vois plus le message personnellement, peut-être un des effets des multiples piques de nos instances européennes.

Mais depuis quelques années, à force de dépannages de PC vérolés par des installations malveillantes de logiciels (mes articles sur les infections sont toujours d’actualité), j’ai pu constater qu’en fait, beaucoup de logiciels gratuits au téléchargement et à l’utilisation proposaient, en guise d’installation « sponsorisées », ben devinez quoi, Google Chrome ! Et parmi les multiples sources, le pompon que j’ai pu trouver, c’est Avast.

Oui, le plus populaire des antivirus gratuits à destination de Windows, certainement n°1 des téléchargements, non content de vous bassiner en permanence de messages pour vous inciter à basculer sur la version payante, boucle ses fins de mois en vous installant Google Chrome, si vous ne faites pas attention à le décocher à l’installation, ce que 90% des personnes oublient de faire, trop habituée au « suivant, suivant, suivant, suivant, OK » sans même lire la moindre ligne.

Sur PC Windows, vous êtes donc assurés de vous retrouver dans 90% des cas avec un Chrome installé d’une source pas forcément fiable, même si évidemment on ne va pas taxer Avast de logiciel malveillant, car finalement, eu égard à son prix, il rend quand même certains services malheureusement toujours nécessaires si l’on veut garder son PC loin des infections les plus malsaines que l’on peut trouver. Mais tout de même, connaissant les pratiques de Google avec l’installation de son navigateur, on ne peut pas dire que l’utilisateur soit vraiment respecté. On a imposé à Microsoft d’inclure un écran de choix du navigateur aux utilisateurs européens pour des raisons de concurrence (européenne), ce choix est détourné par des éditeurs en mal de brouzoufs qu’ils ne pourront pas vous demander, parce qu’évidemment il n’est pas question pour vous de lâcher un centime pour un logiciel (disclaimer : je me reconnais moi-même partiellement dans ce constat, donc pas la peine de venir me troller en commentaire à ce sujet).

Mais ce n’est pas tout (one more thing qu’ils disent chez Apple).

Google, dans son plan de domination du monde, a aussi une porte d’entrée monstrueuse dans vos poches : Android. En obligeant les utilisateurs à disposer de Chrome par défaut sur sa plateforme mobile aux plus de 70% de parts de marché mondial (et 86% des ventes mondiales au deuxième trimestre 2016), il continue de forcer à l’utilisation de ses services, en apparence gratuits, et renforce un esprit de monoculture qui est très dangereux.

Pourquoi est-ce dangereux ? Le web a été créé comme une plateforme ouverte, avec donc l’objectif qu’un maximum de gens, indépendamment de leur dispositif, puisse accéder aux mêmes contenus et aux mêmes services. Indépendamment. Si Chrome est le seul navigateur que les fournisseurs de services (tous propriétaires, la plupart du temps) supportent, vous perdez cette indépendance et cette ouverture, parce que vous êtes restreints aux choix que fait Google pour son aspirateur. De la même manière qu’il vous faut toujours Internet Explorer pour certains sites, notamment du service public, et donc un système Windows pour y accéder, excluant les utilisateurs de systèmes alternatifs, Mac, Linux, mobiles (et ils sont de plus en plus à opter pour une tablette ou un grand smartphone à la place d’un PC, même portable).

Et tout ça, Mozilla ne peut pas lutter contre. A moins de faire des gros chèques et donc de procéder de la même manière malhonnête que son concurrent principal, la masse d’utilisateurs inconscients ne sera libérée de Chrome que par des personnes qui s’y connaissent. Malheureusement, ce n’est pas Microsoft qui pourra aider à un peu plus d’équité, puisqu’ils ont décidé de bloquer les navigateurs alternatifs si l’on veut activer le contrôle parental sur Windows 10, un choix technique qui peut se comprendre, mais qui reste évidemment regrettable. Il est impossible de forcer la main aux constructeurs mobiles pour intégrer Firefox mobile comme navigateur par défaut, parce que Google pourrait être tenté de refuser aux constructeurs majeurs la validation d’un nouveau modèle, qui doit nécessairement inclure presque tous les services Google, dont évidemment Chrome, pour obtenir le fameux feux vert dans la fourniture du Play Store, le fameux magasin d’applications du géant.

C’est bien dommage, parce que plus que jamais on a besoin d’une diversité au niveau des fenêtres d’entrée sur le Web que sont les navigateurs. Et je continue de l’aimer, mon panda roux. Même si je pourrais facilement en faire des articles sur les forces et surtout les faiblesses, un peu comme j’ai pu le faire pour « Linux » 🙂

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Apollo
Apollo
17/09/2016 21:10

Je ne lâcherais jamais Firefox pour aucun navigateur, mais ayant toujours un navigateur alternatif à cause de certains sites qui m’obligent à désactiver tous mes paramètres de sécurité (RequestPolicy, Third-Parties Cookies, etc.)

PS : Obligé de passer sur Opera pour poster un commentaire, un cookie tiers pour le Captcha je pense 😉

gnieark
17/09/2016 22:09

Chrome pour Pornhub (flash est plus stable dans chrome) et netflix
Firefox pour le reste du www

Sabcat
17/09/2016 22:21

J’ai fais le même constat il y a un moment. Malheureusement.

Karim Khelouiati
Karim Khelouiati
18/09/2016 02:28

Depuis le début je suis avec Firefox, et je ne changerais jamais.
merci pour l’article, je partage les mêmes idées

Maillard
Maillard
18/09/2016 08:54

Disons que dans le domaine de la protection des données il est le meilleur. Et ça pour moi ça compte énormément. Pour le reste il tient parfaitement la route. J’en ai nullement à m’en plaindre.

Maillard
Maillard
18/09/2016 08:58
Répondre à  Maillard

Sinon entièrement d’accord avec cette article très lucide. Bravo.

Chris
18/09/2016 17:40

Chouette article. Pour moi Firefox au quotidien, et Edge pour streamer depuis Netflix. (depuis http://www.pcworld.com/article/3095259/browsers/confirmed-only-microsoft-edge-will-play-netflix-content-at-1080p-on-your-pc.html).

maitrey0da
19/09/2016 21:27

Hello,

Une bonne video de Daniel Glazman à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=ceMLuRBn–M

xhark
25/09/2016 17:17

J’étais aussi repassé à Firefox http://blogmotion.fr/internet/chrome-vers-firefox-12858 mais depuis le temps j’avoue que sur une machine puissante Firefox a de nouveau du mal à exploiter les ressources. Heureusement la version 49 est arrivée et devrait un peu améliorer les choses avec l’architecture multiprocessus…