Attentats de Paris : J’ai vraiment peur

closeCet article a été publié il y a 8 ans 5 mois 4 jours, il est donc possible qu’il ne soit plus à jour. Les informations proposées sont donc peut-être expirées.

Et il y a énormément de choses différentes pour lesquelles j’ai peur. Et j’ai pas envie d’attendre un mois pour en parler, comme en Janvier, parce que bizarrement, à part hier où la colère dominait très fort encore, les idées sont un peu plus claires ce soir.

J’ai peur pour l’abrutissement des esprits (aka montée des extrêmes franco-français)

Il n’aura pas fallu attendre longtemps, les corps encore chauds du Bataclan ont inspiré les pires conneries du côté de l’extrême droite notamment (c’est pas les seuls, rassurez-vous). « Ils étaient planqués avec les migrants », « on a qu’à interner les imams radicaux » (les ricains ont essayé, ça a donné Guantanamo, avec le succès que l’on sait), j’en passe et des pires. Propagande à tout va, insultes ouvertement racistes, plus aucune mesure dans l’immonde.

Le problème, et ça a déjà été rappelé, ce n’est pas en rejetant, en stigmatisant une communauté qui n’en peut déjà plus d’être associée à ces gros connards que le problème va se résoudre. Ça ne fera que les pousser plus facilement dans le radicalisme, et c’est justement ce qu’ils attendent, disposer de chair fraîche prête à se faire péter la gueule avec plus ou moins d’intelligence. Bref, résultat contraire à la mauvaise idée qu’on veut imposer.

J’ai peur pour les musulmans

Eux qui, encore une fois, se sentent obligés de s’excuser et de se « désolidariser » de ces attaques, alors même qu’ils n’étaient de toute façon déjà pas solidaires au départ. C’est dire à quel point ça n’a aucun sens. Encore une fois, on va prendre leur religion pour cible alors que la plupart sont d’accord avec le reste de la planète pour dire que ces connards sont tout sauf musulmans.

La preuve, je parlais d’abrutissement y’a trente secondes, même pas deux jours après les attaques, des anesthésiés du cerveau s’en prennent déjà à des « beurs », sans même se poser la question de savoir s’il est religieux ou pas. Comment penser que les éventuels frères et soeurs restent compatissants envers une population qui ne le mérite pas ?

J’ai peur pour les réfugiés

Il faut déjà se faire à l’idée que ce genre de situation va se reproduire chez nous dans les prochains mois. Et là, je pense aux réfugiés/migrants, qui eux vivaient ça tous les jours, et qui ont justement cherché à fuir l’horreur, les bombes, les balles, le sang, les cris, l’environnement marqué par les affrontements.

On est déjà en train de les accuser d’avoir permis de dissimuler les gros lâches qui se sont fait péter la gueule pour qu’ils rentrent au bercail (ah oui parce qu’on oublie facilement qu’ils sont une fois de plus français, comme les frères Kouachi en Janvier), mais personne ne pense à l’état dans lequel ils se trouvent, sans plus rien, pas même l’espoir de vivre en paix, puisque l’EI s’acharne à reproduire les combats sur notre sol. Et dans une telle détresse psychologique, il ne ressort jamais rien de bon.

J’ai peur pour les enfants

Une fois de plus, les pauvres gamins qui auront du mal à comprendre vont se retrouver avec des questions pour lesquelles il sera difficile de répondre parfois, quand les parents raconteront le contraire de ce que vont présenter tant bien que mal les enseignants.

Et je vous laisse deviner comment finiront ceux qui seront nourris avec les pires mensonges qu’on peut leur faire rentrer dans le crane, parce que ça rentre facilement à ces âges-là. Du côté obscur de la Force, pour faire la comparaison avec l’actu ciné qui approche.

J’ai peur pour nos libertés

Une fois de plus, ces attentats sont le prétexte à de nouvelles privations de libertés fondamentales. Certes, on pourrait se dire que c’est nécessaire, mais l’histoire se répète à chaque fois, tout nouveau pouvoir que se prend nos « dirigeants » sur nos libertés n’est jamais rendu au final.

Et là, déjà qu’on parlait d’écoutes et d’espionnage « administratif » (comprendre sans contrôle judiciaire aucun, ni possibilité de contester), maintenant, on a les perquisitions administratives, mêmes abus possibles, le summum de la résurgence d’un passé qu’on pensait pourtant loin derrière nous (méthodes de la Gestapo – je prend le point Godwin sans problème).

J’ai peur pour les forces de l’ordre

Les policiers, gendarmes, et maintenant militaires qui ont la lourde charge de rester dans un état de vigilance que même le meilleur entraînement, celui qu’ils ont reçu, ne suffit pas à maintenir longtemps, vont être mis à rude épreuve dans les mois qui viennent (Flamby veut étendre l’état d’urgence pour trois mois-il a vraiment fait dans son froc au Stade de France dis donc).

Et fatigue et lassitude ne pourront pas aller de pair avec l’efficacité qu’il nous faut dans ces moments-là. Le risque, la multiplication des faux-positifs lors de contrôles qui prendront alors trop souvent la tronche d’un délit de sale gueule. Pire encore, les possibles bavures, comme celles qu’on peut voir aux USA (pas les pires cas comme les flics qui tirent dans le dos), qui écorneront encore plus l’image toujours fragile de ces représentants « de terrain » de la Loi. Avec une raison de plus de passer « à l’ennemi ».

J’ai peur pour moi

C’est un fait nouveau en effet. En Janvier, au final j’ai regardé tout le bordel « de loin », habitant au bord de mer, où l’idée même qu’on vienne s’en prendre à une population aussi reculée, insignifiante, et si peu nombreuse, n’effleurait même pas l’esprit. Je restais en sécurité, avec malgré tout  la rage au ventre de voir les mauvaises décisions et les gesticulations politiques qui ont suivi.

Mais là, ce Vendredi soir, deux heures avant, je passais juste à côté du Stade de France, pour prendre mon RER pour rentrer chez moi, avec déjà un important dispositif de CRS, match de foot oblige (avec son cortège de bourrins). Juste à côté de là où l’un des gros nœuds s’est fait péter le caisson deux heures après. Pour peu que je sois resté tard comme c’est déjà arrivé, je tombais « en plein dedans ». C’est donc plus réel, plus palpable. Pire, j’ai tenté tout le week-end de trouver un moyen de joindre mes collègues, je suis toujours sans nouvelles de la plupart ce Dimanche soir, on croise les doigts pour ne pas apprendre de douloureuse nouvelle Lundi matin, mais c’est pas évident avec le nombre de personnes qui habitent Paname même.

Je sais qu’on prendra les mauvaises décisions

En effet, on les prend déjà depuis plus de 4 ans. Lors des révolutions « arabes » de 2011, on a laissé pourrir la situation en ne prenant surtout pas les bonnes décisions pour empêcher la montée en puissance de l’EI. Tout ça sous prétexte de pas froisser la sensibilité des russes, qui tiennent le monde par les couilles avec les énergies fossiles dont on ne veut toujours pas se passer. Pareil pour le Qatar et l’Arabie Saoudite, réputés pour soutenir, ou à minima ne pas entraver l’enrichissement des dirigeants de l’organisation. Et donc, seulement maintenant, on veut aller leur envoyer des bombes. Wouhou, c’est vrai que les ricains ont vachement réussi comme ça en Afghanistan, ils ont mis 10 ans pour assassiner Ben Laden.

Tous les bons observateurs, ceux que nos dirigeants n’écoutent jamais correctement, s’accordent à dire que ce ne sont pas des lois sur le papier qu’il nous faut, les terroristes se torchant avec de toute façon, mais bien de moyens humains. Un ancien dirigeant de l’ex-DCRI expliquait encore en Janvier, que pour surveiller une personne soupçonnée d’avoir des liens avec « le terrorisme » (pas très classe comme formulation, mais vous avez compris), il fallait 30 personnes. À raison de plus de 3000 personnes à surveiller en 2012, année des attaques de Mohamed Merah, ça fait à peu près 90000 agents qu’il faut. Hors, ils sont un peu moins de 30000.

Manuel Valls a raison de dire que les services de renseignement n’ont pas failli. Pour faillir, il faut avoir l’information et ne pas agir. La NSA a failli en 2001. Mais là, sans disposer des informations, on ne peut tout simplement pas deviner un plan de cette ampleur. Et les personnes interpellées qui parlent peuvent toujours dire ce qu’elles veulent, tant qu’on ne sait pas vérifier les informations parce qu’on en a pas les moyens, il est difficile de les croire.

Ne surtout pas prendre le problème dans le bon sens

Pendant ce temps, on ne cherche surtout pas à résoudre le problème de la radicalisation sur notre territoire, nos « élites » étant persuadées que le problème ne se situe qu’à l’extérieur, dans cette zone au nord de la Syrie contrôlée par des lâches qui, s’ils étaient cohérents avec ce qu’ils demandent aux jeunes désemparés, se seraient fait péter la gueule depuis longtemps.

Si on laisse la situation sociale se dégrader toujours plus, le résultat sera un terreau toujours plus fertile qui permettra à l’EI d’y semer les graines de la haine. Et tant qu’on laissera le racisme crasseux de nos bons franchouillards encourager cette dégradation, ça ne pourra pas aller en s’améliorant. Mon sentiment, c’est que finalement il est peut-être trop tard pour corriger le tir, et que comme le racontaient parfois nos grands parents qui avaient connu vraiment la guerre, il nous en faudrait une pour remettre pas mal de choses à plat.

C’est évidemment quelque chose que je ne souhaite à aucun pays, parce que le plus lourd tribut sera payé par les innocents. Mais le fait est que je supporte de plus en plus difficilement une part grandissante de la population de ce pays, quand je baigne maintenant dans un environnement où la diversité culturelle me fait grandir spirituellement parlant. De là à dire que j’ai presque honte d’habiter dans le même pays qu’eux, alors qu’ils bafouent les valeurs de ce même pays qu’ils pensent protéger avec leur haine, c’est déprimant.

Une pensée quand même pour les familles des victimes et les blessés encore en vie

En effet, jusque là, je n’avais pas parlé d’elles, ne serait-ce que parce que dans cette réflexion, leur nombre importe peu. Mais c’est un fait, ce Dimanche soir, on compte déjà 132 pipes cassées, et on espère ne pas voir s’alourdir le bilan avec des blessés graves qui ne tiendraient pas le coup. Je m’excuse presque d’espérer n’en connaître au final aucune personnellement, mais je pense quand même à eux, à leurs familles, qui doivent affronter une disparition dont on ne devrait pas avoir à faire face. Une situation que j’ai connu par le passé, certes pas dans le cadre d’attentat, mais qui m’a marqué à jamais.

Et on va essayer de retrouver un peu d’optimisme, même si là, contrairement à Janvier, j’ai beaucoup, beaucoup de mal à croire que nos dirigeants sauront trouver une solution. Peut-être décapiter du gros connard moi-même, mais ça reste interdit en France et dans la plupart des pays du monde. Pourtant, qu’est-ce que ça défoulerait. Ça résoudrait rien, mais ça éliminerait pas mal de merde accumulée. Et pas sur que ça me grandisse. Ou alors une partouze géante avec des personnes de toutes confessions, de toutes orientations (je reste sûr de la mienne, attention), même si le sexe est un peu délicat à aborder dans certaines religions, ça reste peut-être le déstressant universel. Et je vais m’arrêter là, je risque de sortir des conneries plus grosses que moi. Je suis fatigué…

2 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Baptiste Jerome
18/11/2015 11:05

Bel article, belle réflexion, j’aime beaucoup l’illustration de l’article.