Ma déception de Firefox OS

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En effet, quand Mozilla a annoncé vouloir faire un système d’exploitation mobile complet, et pas juste son navigateur maison sur Android, j’ai d’abord sauté de joie. Avec un One S mis au rebut par HTC à peine 10 mois après sa sortie (et un défaut de conception assez dégueulasse), et un Android toujours plus sous la coupe de Google, autant dire que j’étais motivé. Mais ensuite, mes mauvaises nouvelles se sont enchaînées, et ce n’est pas le dernier Mobile World Congress qui m’a rassuré. Petite rétrospective.

Vous devez certainement beaucoup à Mozilla aujourd’hui, même s’il a perdu un peu de sa superbe. S’ils n’avaient pas réussi à bouger les lignes avec un Firefox qui mettait un Internet Explorer alors en « sommeil » à la retraite, et une action « de fond » pour avoir des technologies non seulement plus riches, mais bien plus standard (il est plus facile aujourd’hui de faire du JavaScript sans être obligé de faire des horreurs pour traiter chaque navigateur différemment, pareil pour le CSS), vous en seriez à utiliser des choses lourdes, propriétaires (ce qui généralement se traduit par « impossible à personnaliser »), et nécessairement du Windows en plus (qui se souvient des logos « optimisé pour Internet Explorer » en bas des pages Web ?).

Alors quand j’ai lu la première annonce de Mozilla sur le développement de Firefox OS (en partie porté par notre Tristan Nitot national), j’ai espéré. Voir un nouveau modèle de fonctionnement loin des prisons dorées qu’Apple, Microsoft, et même Google construisent avec leurs écosystèmes sous leur entier contrôle, dans nos poches, c’était forcément sexy à mes yeux : plus de libertés (y compris logicielle), plus de contrôle, tout ce qu’il me faut, et que j’ai déjà trouvé avec mon laptop en le libérant de Windows.

Las, à peine annoncé, la politique de Mozilla pour mettre Firefox OS dans les poches d’un max de monde veut d’abord passer par les marchés émergents. Et même si la France est en train d’en redevenir un au rythme ou ça va, elle ne fait pas partie des pays annoncés. De plus, qui dit marché émergent dit forcément appareils à très bas coût, et donc aux caractéristiques faméliques. Je ne dis pas que je suis prêt à remettre 500€ dans un smartphone (de toute façon je n’en ai pas les moyens), mais voir un téléphone sortir en 2014 avec des caractéristiques inférieures ou équivalentes à mon premier Galaxy S de 2010, au rythme où vont les évolutions techniques, c’est pas sexy. D’autant plus qu’à peine annoncé, plusieurs fabricants chinois continuent de casser les prix pour proposer des appareils matériellement meilleurs, au même prix (inférieur à 80$, l’objectif « technique » est de faire tourner ça sur un appareil à 25$, bonjour le massacre), avec donc un Android complet et sa panoplie d’applications et de services populaires.

Autant Firefox sortait face à un Internet Explorer vide de possibilités, autant là, les mastodontes à bousculer sont déjà riches, gras, et bien formés. Et mon premier passage sur le Firefox MarketPlace me le confirme : c’est plutôt vide, et le fait que la majorité des développeurs qui pourraient remplir rapidement le « dépôt » ne se trouvent pas dans les pays où les smartphones seront vendus est loin d’aider à améliorer la situation.

Finalement, peut-être sous la pression des utilisateurs « avancés » potentiels dont Firefox OS a cruellement besoin, le ZTE Open C est annoncé et commercialisé en France. Seul problème, le même depuis le début, le smartphone coûte 80€ et s’avère très bas de gamme dans ses spécifications. Rien qui pourrait s’avérer sexy. D’ailleurs, quand il débarque dans les mains des power users, ça se sent qu’il en avait besoin, au delà des critiques sur le matériel, le logiciel aussi a encore grandement besoin de travail (demandez à Cyrille Borne comment fonctionne son téléphone, vous verrez le massacre).

Du côté des bidouilleurs, ça s’organise un peu, et certains smartphones voient une ROM Firefox OS pointer le bout du nez, avec une qualité aléatoire en fonction des modèles. De quoi grapiller des utilisateurs pour gonfler un peu les retours et le MarketPlace. À propos de celui-ci, il y a un truc qui coince, comme les premiers retours sur les applications (ainsi que les applications elles-même) proviennent de pays ni anglophones ni francophones, il est très difficile de savoir si une application fait ce qu’on lui demande. Encore une fois, c’est pas sexy pour les nouveaux arrivants, surtout en France avec un nombre de « monolinguistes » assez inquiétant.

Malgré tout, le ZTE Open C semble avoir rencontré un réel succès, eu égard à sa publicité pratiquement absente en dehors des sites spécialisés dans la mobilité ou la tech de manière générale, et forcément Leclerc qui le commercialisait. Et apparemment, l’initiative a aussi fait son bout de chemin dans plusieurs pays, puisque Mozilla persiste et signe. La fondation annonce présenter des choses au dernier Mobile World Congress de Barcelone de février dernier. Grand naïf que je suis, j’attends une annonce avec un « vrai » smartphone, de ceux qui font les bonnes ventes des Wiko, Huawei et autres Xiaomi.

Et là, je rage carrément : à part une annonce avec Orange pour un « Klif » à 40$, toujours pour les pays émergents (tant mieux hein, vu la gueule du bousin–au moins les forfaits semblent mieux adaptés, j’y reviendrais), d’autres nouveaux modèles sont annoncés… pour 2016. Hahaha. Haha. Ha. Pire, le Fx0, un smartphone particulièrement mieux équipé que tous les modèles annoncés jusque là, était visible et manipulable sur le salon. Pas de bol, ce smartphone à la coque transparente aux spécifications bien plus sexy n’a été commercialisé qu’au Japon, alors qu’il est à priori compatible avec nos installations GSM européennes.

La position de Mozilla n’est pourtant pas illogique. En effet, dans beaucoup de pays émergents, le déploiement d »Internet » passe d’abord par les réseaux mobiles, moins coûteux à déployer dans des pays fortement démunis. Pire, avec soit-disant une initiative internet.org, Facebook s’assure que finalement, seule sa plateforme soit accessible au travers des forfaits des opérateurs, le reste d’Internet coûtant alors un bras (repensez à l’offre « Youtube illimité » d’SFR, et imaginez que vous devez payer pour tout le reste, c’est pareil- à part que dans ces pays, votre forfait mobile vous coûterait la moitié de votre salaire). Donc les partenariats noués avec les opérateurs de ces pays sont importants, tout comme le fait que les smartphones soient accessibles, y compris dans le cas d’un co-financement au travers du prix du forfait.

Le problème avec ça, c’est qu’il manque une force monumentale à Mozilla,  dans la population « geek » des pays développés qui sauront eux repousser les frontières de sa plateforme, au bénéfice de tous. En effet, si un développeur Français passe ses weekends sur Firefox OS, mais que sa petite cousine ne pourra pas en profiter faute d’appareil, alors il ne s’y intéressera pas. Et on attire pas les geeks avec du toc, il leur faut du « vrai » matos. Malgré les faiblesses logicielles qu’il présente encore à l’heure actuelle (et encore, le marketplace s’améliore jour après jour, et certains « gros » sont maintenant présents), si un smartphone de la trempe du Wiko Ridge 4G sortait avec Firefox OS pour un prix équivalent, il aurait toute mon attention. Et il pourrait en avoir pour bien plus de monde, parce que l’Open C est vraiment, vraiment limité en termes de capacités.

D’ailleurs, une autre faiblesse que je n’ai pas abordé jusque là à propos de Firefox OS, est assez grave. Finalement, le fonctionnement de l’écosystème est le même que pour les grands « méchants » : il faut un compte chez Mozilla qui va servir à garder la trace des installations d’applications, et prendre en charge la synchronisation des données. La seule différence, à savoir que Mozilla n’est pas une entreprise qui préfère donner des sioux à ses actionnaires plutôt que résoudre les problèmes du monde, n’est pas suffisante pour différencier le respect; De la même façon, le niveau de sécurité est là encore inconnu par rapport aux sociétés américaines.

Certes Firefox est encore un logiciel populaire même dans une France qui préfère se droguer au spyware Chrome, mais au final peu d’utilisateurs savent tout le travail de fond que tente de faire la fondation Mozilla pour conserver un Web propre et sous contrôle de ses utilisateurs (d’ailleurs souvent quand j’évoque Mozilla les gens ne savent pas de quoi je parle tant que je ne dit pas « Firefox », ce qui confirme l’extrême feignantise des utilisateurs d’informatique de nos jours : ils connaissent la marque de leur voiture, mais s’en foutent de leur navigateur, leur véhicule sur le web). Et justement, ce contrôle là est en grande partie absent de Firefox OS. Certes, on peut installer son propre serveur de synchronisation avec le support des Firefox Accounts, mais pour avoir essayé, c’est particulièrement laxatif pour reprendre l’expression de Fred Bezies; pire, je n’ai jamais réussi à le faire fonctionner, et mon aversion profonde pour le JavaScript ne risque pas d’arranger les choses (la gestion de Firefox Account repose sur Node.js). Et connecter son téléphone à ce serveur est aussi plutôt ardu (surtout avec un certificat auto-signé). Autant dire que libérer les utilisateurs « débutants » risque d’être d’autant plus difficile.

Comme beaucoup de choses en matière de liberté, avec des sociétés commerciales qui cherchent toujours plus à vous enfermer (vous avez vu à quoi ressemble Windows 10 et les prérequis pour les OEM ?), la voie est longue pour retrouver une liberté trop souvent abandonnée pour un faux sentiment de confort. Fort heureusement le chemin est encore praticable. Pour l’instant.

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John
John
31/03/2015 22:20

Pour ma part, je suis Firefox OS depuis ses débuts, et dès la première version, j’étais surpris par la stabilité du système et la quasi absence de bugs. Deux ans plus tard, mon Peak est encore en version 1.3 qui a largement gagné en rapidité et me sert au quotidien. J’ai trouvé tous les programmes sont j’avais réellement besoin, sans devoir me prostituer à quiconque, et la version 2 annonce quelques bonnes surprises. Alors ok : le ZTE Open C n’est pas le summum, mais j’ai quand même été bluffé par sa grande réactivité – à ce prix là, c’est… Lire la suite »

Samuel Vautier
Samuel Vautier
12/04/2015 19:07

Bonjour, je voulais juste apporter une précision concernant le Market Mozilla, à savoir qu’il n’est pas nécessaire de posséder un compte pour installer une application, cela est vrai au moins pour les gratuites, je n’ai pas testé pour les payantes. Cela veut dire que le téléphone est parfaitement utilisable sans jamais se connecter à Mozilla.
Après pour la syncronisation des données, peut-être que le système peut être amélioré. Mais je me demande s’il n’y avait pas moyen d’installer son propre serveur de syncro.